Petite précision : lorsque j'ai écrit cet article, il s'est d'abord nommé "je suis une féministe intersectionnelle", parce que je ne réalisais pas encore à quel point c'était maladroit, déplacé et assez prétentieux de se définir comme telle pour une blanche ! Erreur réparée, je pense que ça prouve que personne n'est à l'abri de dire des bêtises !
Bienvenue donc sur le Ronchon Blog, je suis ronchon, oui mais c'est pour la bonne cause. Toi aussi, ronchonne avec moi :)
Bienvenue donc sur le Ronchon Blog, je suis ronchon, oui mais c'est pour la bonne cause. Toi aussi, ronchonne avec moi :)
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Beaucoup de mes
amis le savent je pense mais j'ai quand même envie de préciser les
choses et de dire pourquoi parfois c'est difficile d'être droite
dans ses bottes avec de telles convictions, à plus forte raison face
à ses proches justement...
Je suis une féministe.
Je ne l'ai pas toujours été, bien
sûr. Avant d'être féministe (avec la volonté d'utiliser cet outil qu'est l'intersectionnalité) j'étais dans le
prêt-à-penser par lequel tout le monde passe : les féministes
sont des extrémistes/hystériques qui réclament la domination du
monde par la femme et veulent éradiquer l'homme (ça c'est pour la
version soft). L'intersectionnalité ? Jamais entendu ce nom là.
On a tous des préjugés, moi y
compris. Face à ce constat, plusieurs réactions : il y a
certaines personnes qui se demandent « tiens, pourquoi est-ce
que je pense ça ? » et qui vont se renseigner et finir
par s'apercevoir qu'en fait ils ne savaient rien, et il y a les
autres, qui s'en foutent et qui n'ont pas envie d'y voir de problème
ou de « se prendre la tête ». Oui se prendre la tête et
réfléchir par chez nous c'est tout pareil ! Je dirais qu'il
existe une autre catégorie encore, qui, face aux arguments campera
sur ses positions parce que c'est plus confortable que d'admettre
qu'on a eu tort et de présenter des excuses ou pire, de se remettre
en question.
Pas de bol pour moi je suis très
curieuse, je veux tout savoir et je suis avide d'égalité depuis
toujours, du coup je me sens souvent seule et je me prends des
claques parce qu'il faut bien l'avouer : on ne vit pas dans un
monde de gens curieux et ouverts d'esprit !
Vous vous souvenez de ces repas de
famille avec votre tonton raciste ou votre mamie homophobe ?
Quand on est féministe c'est pareil sauf que c'est
tout le temps et partout.
C'est une image classique (Matrix) mais
une métaphore tout à fait exacte de ce qu'on ressent quand on est
sensibilisé sur des sujets que le reste du monde semble ignorer. On
a pris la pilule rouge, les autres ont pris la bleue ou bien n'ont
pas encore été confrontés à ce choix. Alors évidemment on ne
détient pas la vérité absolue, mais on a choisi de voir ce qui
pose problème et on ne peut pas faire marche arrière, ça nous
saute aux yeux. C'est comme si nous participions à une même
conversation, sauf que ceux qui n'ont pas pris la pilule rouge ne
voient pas les sous-titres.
Quoi de plus difficile que de causer de
ces choses sur facebook, après avoir vu passer un article
« humoristique » stigmatisant, sans être immédiatement
accusée de ne pas avoir d'humour. Parler sur facebook c'est en
général s'adresser à ses proches, c'est beaucoup plus difficile
que de discuter avec des inconnus puisque se fâcher avec ces
derniers n'a pas vraiment d'importance.
Parce que dans la tête de la plupart
des gens on peut (voire on se doit de) se moquer de tout le monde !
L'humour oppressif ? On connaît pas et on considère que la
discrimination ce serait de ne pas se moquer des noirs, des homos,
des gros/ses, des maigres... alors qu'en fait l'humour fait partie
intégrante des mécanismes d'oppression, c'est même un instrument
redoutable parce qu'au lieu de questionner ce qu'on entend, on a la
réponse toute faite qui est que l'humour c'est subjectif ! Et
personne n'osera dire qu'en fait non, on ne peut pas rire de tout,
que la plupart du temps on n'est pas en présence d'humour subversif
car on ne rigole pas de la catégorie qui oppresse : on ne
rigole pas des blancs, on ne rigole pas des hétérosexuels, on ne
rigole pas des responsables du body-shaming... mais bien des victimes
elles-mêmes ! Vous pouvez chercher, l'humour qui critique et se
moque des catégories dominantes, c'est loin d'être monnaie
courante ! Et une discussion lancée à ce sujet a de grandes
chances de se terminer par « T'es pas tolérant ! Et puis
si ça te plaît pas t'as qu'à pas regarder/écouter ».
J'aimerais revenir sur une chose, les
oppressions non-officiellement reconnues. Ces causes que nous
défendons alors que bon franchement c'est pas des vraies causes
quoi, c'est juste pour « rager » parce qu'on est
frustrées et qu'on n'a pas confiance en nous (vrais arguments de
vrais gens). On s'accordera plus facilement à dire que le racisme ou
l'homophobie c'est mal parce qu'on nous l'a appris et que même si
nous évoluons dans un système qui permet encore largement à ces
oppressions d'exister, on a conscience que c'est une discrimination
établie et on s'offusquera de celle-ci si effectivement on la
reconnaît quand on la voit. Mais si je dis « putophobie » ?
« Grossophobie » ? Voire « transphobie » ?
Ces oppressions là, qui fonctionnent pourtant sur le modèle des
précédentes ne sont pas reconnues. La lecture de ces mots, hors
contexte et si on ignore totalement de quoi il retourne, pourrait
même faire sourire. Je trouve qu'ils sont parfaits, ils ressemblent
à des abris de fortune, construits faute de mieux, parce qu'on se
bat avec ce qu'on a et que les moyens sont souvent pauvres, pourtant
il faut des mots pour pouvoir se battre contre quelque chose de
concret. Les mots sont importants.
La grossophobie par exemple, résultat
de ce qu'on appelle le body-shaming, est tout à fait tolérée et
même encouragée. Nous en sommes à peu près tous victimes (plus
particulièrement les femmes) étant donné que la norme qu'on veut
nous imposer, la perfection des magazines et autres pubs, est
inatteignable. Nous participons parfois activement à ce diktat de la
beauté. Quand on pense à un « thon », à un « boudin »
on a presque automatiquement en tête l'image d'une femme grosse de
préférence. Faire une blague là dessus relève du poncif et
pourtant ça en fait encore rire beaucoup ! Il est d'autant plus
difficile de convaincre les gens que ça ne devrait pas être normal
que les victimes elles-mêmes peuvent ne pas se rendre compte de
l'oppression qu'elles subissent. Et si elles sont blessées par
certains propos on leur dira gentiment qu'elles n'ont pas le sens de
l'auto-dérision, que c'est du second degré, on leur dira même
comment il faut qu'elles prennent la chose, autrement dit on fera ce
qui s'appelle du « splaining ». Le splaining c'est quand
on explique à une personne victime d'oppression que c'est à elle de
se remettre en cause, que le problème que la victime pointe du doigt
n'existe tout simplement que dans la tête de celle qui le dénonce
et qu'il faut qu'elle passe son chemin si elle n'est pas contente.
Elle gâche la fête.
Petite précision : quand un homme
dit qu'il préfère les rondes pour telles ou telles raisons et que
c'est bien mieux qu'un « sac d'os » etc... il ne lutte
absolument pas contre la grossophobie et au contraire contribue au
body-shaming en toute quiétude : blâmer les « maigres »
ou les « grosses » c'est la même chose, d'autant qu'il
serait bon de rappeler que le corps des femmes n'existe pas pour être
validé ou non par ces messieurs, à bon entendeur...
Il y a tout un vocabulaire que j'ai
découvert en m'intéressant au féminisme intersectionnel qui m'a
permis de mettre des mots sur des situations vécues. Tout un tas de
mots qui ne se trouvent parfois ni dans le dictionnaire ni dans la
langue française (pour vous dire à quel point on ne risque pas
d'enfoncer des portes ouvertes dans le domaine). Des termes qui
seraient pourtant la base d'un potentiel débat constructif...
En me renseignant, en écoutant
d'autres parler et en les laissant aller jusqu'au bout sans vouloir à
tout prix avoir raison, j'ai aussi pris conscience de mes propres
privilèges, ce qui m'a rendu humble face aux situations que je ne
vis pas directement et qui me fait encore réfléchir sur ma prise de
parole. J'ai toujours cru, par exemple, qu'en tant que blanche et
hétéro, prendre la parole le plus souvent possible sur le racisme
et l'homophobie était bénéfique et aidait grandement le débat car
en tant que personne « extérieure » et non directement
impliquée, cela me donnait une certaine objectivité. Il n'y a rien
de plus faux et l'enfer est pavé de bonnes intentions ! Je peux
parler de ces sujets, c'est une bonne chose mais je ne dois pas
parler à la place des principaux concernés, de ceux qu'on n'entend
pas, c'est leur voix qui doit primer sur la mienne puisque je fais
partie de la catégorie dominante ! On n'est jamais extérieur à
aucun système d'oppression ! Logique, non ? Quand on y
réfléchit oui ! Sinon en aparté... on pourrait parler par
exemple de l'invisibilité médiatique des musulmanes ou des
prostituées que certaines féministes comme Isabelle Alonso, qui a
pignon sur rue en la matière, choisit consciemment de nier dans son
dernier article sur le sujet. Comment peut-on dire à ces femmes que
l'on entend jamais qu'on aimerait pouvoir s'exprimer « quand on
est ni musulmane ni prostituée » ? Quand on publie des
livres et qu'on passe à la radio et à la télévision quand on
veut ? Sérieusement, ça m'échappe complètement. Voilà et
puis ça me permet de vous dire : il n'y a pas un féminisme
mais des féminismes ! Le féminisme d'Alonso n'est pas le mien,
clairement.
Bref, tout ça pour dire que tout ça
s'apprend à condition qu'on le veuille et qu'on soit prêt à
revenir sur ce qu'on pense et pourquoi.
Zut, je voulais faire simple...
mais le sujet ne
se prête pas vraiment à la simplicité. L'égalité comme la
politique et tout ce qui touche à la société et à l'humain de
manière générale sont des sujets délicats, qu'on préfère éviter
quand on est entouré de ses proches de peur de découvrir un truc
rédhibitoire. On peut tous être sexistes, racistes, homophobes à
un moment donné, si c'est de l'ignorance ça reste quand même moins
grave que si c'est assumé, non ? Dans le doute on peut prendre
ce qu'on voit pour de l'ignorance, après une conversation cartes sur
table, c'est plus compliqué... Cependant je sais qu'il y a des
personnes ouvertes à la discussion et d'autres avec qui ce sera plus
difficile voire impossible. Je ne passe pas toujours « à
l'attaque », j'ai tendance à être indulgente parce que je me
dis que je suis aussi passée par là quand je ne savais pas encore
tout ce que je sais, et je dis sûrement encore des conneries parce
que j'ignore encore beaucoup de choses ! Ah si tout le monde
pouvait au moins reconnaître ça...
On m'a fait
remarquer que si je ne parle pas de ce qui ne va pas, si je ne vais
pas à la confrontation des idées avec les concernés, les gens ne
sauront jamais et ne verront jamais le mal dans ce qu'ils
disent/partagent... certes ! Mais alors si c'est facile pour
certains d'entre vous tant mieux ! Faites-le aussi souvent que
vous le pouvez ! Personnellement, je trouve cette démarche très
éprouvante et stressante, on ne sait jamais à l'avance si les
relations avec la personne sortiront indemnes du débat. C'est autre
chose que d'avoir ou de ne pas avoir de goûts musicaux en commun
avec quelqu'un qu'on aime ! Je suis toujours prête à me
laisser convaincre par un bon argument mais rares sont les gens qui
partent dans une conversation sur un sujet sérieux avec les mêmes
dispositions hélas ! Et en attendant les réponses de la
personne à qui on s'adresse c'est l'angoisse ! J'ai toujours eu
horreur des conflits alors quand il me vient à l'idée que peut-être
je peux en provoquer un moi-même, j'y pense à deux fois ! Je
continue de penser que c'est ce qu'il faut faire, dans l'idéal !
(et si je vous
disais... qu'on peut changer d'avis en fonction des nouvelles
informations reçues)
Paf une deuxième
image de Matrix... c'est un hasard mais ça illustre bien mon propos
quand même, non ?
Voilà, malgré ça
je vous souhaite une bonne année 2014, je pense que les fêtes de
fin d'année et les repas de famille sont LE moment de l'année où
on se dit qu'on aimerait faire comprendre des choses à ses proches
sans se les mettre à dos... quoi que le tonton raciste lui il
cherche le contraire quand même : vous convaincre il s'en fout,
tout ce qu'il veut c'est vous pourrir le repas !
Sa Majesté Kane
Bravo bravo bravo ! Je sais que c'est pas facile de se lancer, mais tu le fais super bien (au passage, c'est igloo, je trouve ton style d'écriture assez proche du mien ;))
RépondreSupprimerContinue sur cette lancée ! Et j'approuve à 1000% ta démarche !
Tu expliques beaucoup mieux que moi ce que je me tue à expliquer à mon entourage, je devrais leur faire partager cet article!
RépondreSupprimerbien écrit!
Ouh mes premiers commentaires :) Merci à vous deux ! Il reste encore du boulot à ce niveau (expliquer aux proches) mais on peut que progresser je pense ! *hope*
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